Le Forum Vies Mobiles (think tank de la mobilité soutenu par SNCF) publie les résultats de son étude sur la mobilité idéale des salariés selon les entreprises. Alors que la majorité des études reste focalisée sur l’appétence des salariés pour le télétravail et l’usage des nouvelles technologies, le Forum Vies Mobiles a souhaité aller voir du côté des entreprises et de leurs stratégies pour gérer la mobilité de leurs salariés dans les années à venir. Ainsi, 340 responsables RH français ont été interrogés: les outils numériques et le télétravail sont plébiscités.
La mobilité, une réalité mal saisie par les entreprises
Spontanément, 72% des entreprises associent la mobilité à la seule mobilité professionnelle (changement de poste). Pourtant, la mobilité spatiale recouvre bien d’autres réalités qui pèsent lourd dans le quotidien des salariés : les déplacements domicile-travail, les voyages professionnels, les déménagements… C’est ce décalage que le Forum Vies Mobiles a souhaité explorer dans l’étude consacrée à la gestion des déplacements des salariés dans le futur, qu’il a mené avec l’IAE de Paris (l’Institut d’administration des entreprises) auprès de 340 entreprises en France.
Si les enjeux en sont importants – bien-être et efficacité des salariés, productivité de l’entreprise, environnement – il ressort que, pour l’instant, la gestion de ces déplacements ne constitue pas une priorité pour les entreprises. Et cela risque de ne pas être plus le cas dans le futur puisque ces dernières s’en remettent essentiellement aux outils numériques, considérant qu’ils feront disparaitre les contraintes liées au déplacement physique.
Technologie et numérique, un pari unique pour l’avenir
C’est sur le développement des solutions technologiques via la généralisation des outils numériques (télétravail et développement de modes de transport plus rapides et plus fréquents) que comptent surtout les RH pour gérer, demain, les déplacements des salariés voire pour s’y substituer.
En matière de déplacements domicile-travail :
53% des entreprises considèrent qu’une normalisation du télétravail contribuerait à un futur idéal, en supprimant la nécessité d’un lieu commun de travail, devant l’amélioration de l’offre de transport : 47%.
En matière de déplacements professionnels :
69% des entreprises ont plébiscité l’utilisation des outils numériques (conférence skype, vidéo conférence en 3D, invention et développement des hologrammes) comme alternative à la réunion physique. Ce choix arrive loin devant l’amélioration de l’offre de transport : 36%.
En matière de déplacements liés au travail impliquant un déménagement :
Pour 45% des entreprises, dans le futur, les déménagements liés au travail seront rendus inutiles grâce à la révolution numérique. Néanmoins, pour encore 42% d’entre elles, l’idéal serait d’encourager la bi-résidentialité de leurs salariés dans le futur au moyen d’une politique de logements d’entreprise.
Mais, des solutions longues à mettre en œuvre :
Une entreprise sur deux estime qu’elle ne sera pas en mesure de mettre en œuvre ces changements avant au moins 10 ans. (46% pour les déplacements domicile-travail, 44% pour les déplacements professionnels et même 70% pour les déménagements liés au travail).
Un engouement pour le télétravail …
53% des entreprises estiment que le télétravail constitue un outil intéressant pour limiter les déplacements domicile-travail. Ce serait même la solution à mettre en œuvre en priorité (34%), devant des solutions plus classiques comme « le remboursement des frais de transports en commun au-delà du minimum légal » (13%) ou « la mutualisation des véhicules motorisés de types covoiturage, autopartage » (12%).
… malgré de nombreuses limites pointées par les entreprises pionnières
Limites pratiques : les entreprises pionnières soulignent qu’une adoption massive du télétravail n’est pas possible. Le télétravail est présenté comme une solution idéale pour 1 ou 2 jours par semaine, au maximum. De plus, il n’est pas généralisable à tous les emplois, en particulier ceux nécessitant une présence physique (restauration, emplois ouvriers, services à la personne…). Le télétravail ne permet donc pas une disparition totale du lieu de travail centralisé ni des déplacements domicile/travail. Alors que plus de neuf entreprises sur dix déclarent avoir mis à disposition de leurs salariés des outils de communication pour mieux gérer les déplacements professionnels, les plus avancées soulignent que le problème réside avant tout dans leur appropriation et leur utilisation.
Limites juridiques : les entreprises pionnières soulignent que les questions juridiques qui entourent les conditions de télétravail (imputabilité des accidents de travail survenus au domicile du salarié, vérification de l’environnement de travail, gestion des questions de santé et équilibre vie professionnelle/vie privée), ne font pas encore l’objet d’une réglementation spécifique.
Limites managériales : au-delà des questions juridiques, le télétravail remet en question l’organisation et la culture d’entreprise. Près d’une entreprise sur deux estime que la culture présentielle française est un obstacle au développement du travail à distance. Les managers redoutent la perte du collectif de travail pouvant entrainer une complexification de la gestion des salariés : nouvelles modalités de contrôle de la productivité, modification des relations de travail au sein de l’entreprise.
Les entreprises interrogées soulignent le paradoxe du télétravail entre plus de liberté et d’autonomie dans l’organisation de son travail par le salarié et l’accroissement du suivi et du contrôle que l’on pouvait avoir sur lui auparavant.
Un mirage numérique qui fait oublier la nécessité de mieux gérer les déplacements physiques
« Alors que l’encadrement du télétravail est actuellement discuté par les partenaires sociaux suite à la loi El Khomri, notre étude invite à relativiser l’importance de cette nouvelle organisation du travail. En effet, les technologies numériques ne font et ne feront pas disparaitre la mobilité spatiale. Pour le Forum, les entreprises doivent se saisir de la question des déplacements de leurs salariés et de ses enjeux sociaux et environnementaux. Et le chemin est long! L’enquête montre qu’aujourd’hui encore, 50% des entreprises admettent ne pas prendre en compte les risques de burn-out ou de problèmes familiaux liés aux déplacements répétés ou de longue durée, et seules 28% jugent important de réduire leur impact carbone lorsqu’elles mettent en place leur politique de déplacement professionnel.»
Sylvie Landriève, co-directeur du Forum Vies Mobiles, think tank de la mobilité.
À propos de l’enquête :
Cette enquête « LES MOBILITÉS IDÉALES DES SALARIÉS » a été menée pour le Forum Vies Mobiles par l’IAE de Paris (l’Institut d’Administration des Entreprises) rattaché à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne.
Un volet quantitatif a été réalisé, en ligne auprès d’un panel de 340 professionnels des ressources humaines, du 27 août au 18 septembre 2015. Par la suite, un volet qualitatif, composé d’un focus group de 12 participants et de trois études de cas auprès d’entreprises innovantes, a été mené jusqu’en avril 2016.
À propos du Forum Vies Mobiles
Le Forum Vies Mobiles est le think tank de la mobilité, soutenu par SNCF. Pour lui, la mobilité structure le déploiement de nos modes de vie. Nos déplacements, leur vitesse, leur fréquence et les distances parcourues, ont fortement augmenté et ont été réorganisés par l’usage des technologies de l’information et de la communication. Cette mobilité pose des problèmes environnementaux (changement climatique, pollution…) et ne correspond pas pleinement aux aspirations des individus. L’ambition du Forum est d’imaginer des mobilités futures désirées et soutenables individuellement comme collectivement, et de penser leur mise en œuvre par étapes à l’échelle des individus, des entreprises et des acteurs publics.