Le Conseil d’Orientation pour l’Emploi a adopté aujourd’hui un rapport consacré aux évolutions de l’emploi et aux politiques de l’emploi depuis la crise, en Europe et dans quelques pays industrialisés.
Ce rapport est le premier à décrire et analyser les évolutions constatées sur l’ensemble de la période 2008-2012. Il entend fournir aux pouvoirs publics, aux partenaires sociaux et plus largement aux acteurs du marché du travail le diagnostic, les données et les comparaisons utiles à leurs décisions.
« La crise qui a commencé en 2007-2008 a été la crise la plus profonde que le monde a connue depuis celle des années 1930 » souligne Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d’Orientation pour l’Emploi ». « Crise financière, crise économique, crise des finances publiques, elle se traduit également par une crise sociale, avec notamment la montée du chômage dans la très grande majorité des pays concernés. » La crise a en effet provoqué des ajustements très violents de l’emploi qui ont amené les Etats à réagir tant sur le plan macroéconomique que dans le champ plus ciblé des politiques de l’emploi, avec des succès divers.
Une classification des pays en fonction de l’évolution de leur taux de chômage pendant la crise et du niveau de ce taux début 2012 permet de distinguer plusieurs profils :
– des pays dont le niveau de chômage comme l’évolution durant la crise sont inférieurs à la moyenne de l’OCDE : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Japon, Finlande, Norvège ;
– des pays dont le niveau de chômage comme l’évolution durant la crise sont supérieurs à la moyenne de l’OCDE. Il s’agit essentiellement de l’Espagne, de l’Estonie, de la Grèce et de l’Irlande ; mais également, dans une moindre mesure, du Portugal, de la Slovaquie, de la Slovénie et des Etats-Unis ;
– des pays dont le taux de chômage a moins augmenté que la moyenne mais dont le niveau est néanmoins supérieur à la moyenne : France, Pologne, Turquie ;
– enfin des pays dont le niveau de chômage reste inférieur début 2012 à la moyenne de l’OCDE alors que l’augmentation du chômage pendant la crise a été plus forte que la moyenne : Danemark, Islande, Pays-Bas, République Tchèque.
Bien entendu cette classification ne suffit pas à apprécier les évolutions plus qualitatives du marché du travail, non reflétées par le taux de chômage, avec notamment une précarisation accrue et la montée des inégalités dans de nombreux pays.
Parmi les facteurs explicatifs, les différences importantes de chocs d’activité (baisse du PIB) entre les pays n’expliquent qu’en partie les différences d’évolution du chômage, notamment durant la première phase de la crise. Il semblerait néanmoins que « la relation entre croissance et chômage a été plus forte durant la deuxième phase de la crise », souligne Marie-Claire Carrère-Gée.
L’évolution de la population active dans les différents pays peut être invoquée également pour expliquer les différences d’augmentation du chômage.
Les différentes modalités d’ajustement de l’emploi expliquent également des différences de réaction des marchés du travail à la crise : selon que les entreprises se sont ajustées à la chute de l’activité par la baisse du volume d’emplois (flexibilité externe), ou par la baisse des heures travaillées et/ou des salaires (flexibilité interne), l’évolution de l’emploi global n’est évidemment pas la même.
Toutefois, la résistance plus ou moins forte des marchés du travail durant la crise ne peut se comprendre en dehors des évolutions structurelles et du contexte économique d’avant-crise. « La plupart des analyses se limitent aux réactions des politiques publiques pendant la crise. » Or, le rapport montre bien que « dans bien des pays, l’essentiel s’est joué avant la crise », indique Marie-Claire Carrère-Gée. « En effet, les réformes menées dans certains pays dans les années précédant la crise ont permis de renforcer la résistance du marché du travail et l’efficacité des politiques de l’emploi. » Au-delà, la rétention de main-d’œuvre a été plus forte dans les pays dont les marchés du travail étaient en tension (Allemagne, Japon, Italie notamment) ou dont les entreprises avaient peu embauché durant la phase de croissance précédente (comme l’Allemagne et à l’inverse du Danemark). Enfin, les pays dans lesquels la situation financière des entreprises était bonne avant la crise ont pu avoir davantage recours à la flexibilité interne (Allemagne, Autriche, Irlande, Italie).
Selon Marie-Claire Carrère-Gée, « non seulement, les ajustements de l’emploi ne sont pas nécessairement achevés dans tous les pays, mais surtout, les perspectives de croissance peu favorables auront encore des conséquences en termes d’emploi. »